mercredi 20 octobre 2021

Gasoil, huile de friture et nucléaire (Je vous explique)

 

    Une amie m'a demandé mon avis sur Facebook, à propos d'un article publié sur le site Caradisiac concernant un nouveau carburant distribué en Belgique qui pourrait, ou aurait pu, remplacer le gasoil alimentant les moteurs Diesel. En lui rédigeant ma réponse, je me suis retrouvé à écrire cet article sur le gasoil, les huiles de friteuses et le nucléaire. 

Lisez, vous allez comprendre.

 

Le mystérieux HVO100

    La Belgique ouvre ses premières pompes de diesel de synthèse, le HVO100. Pour lire cet article très intéressant, cliquez sur l'image ci-dessous :

Cliquez sur l'image de cette ravissante Belge, pour accéder à l'article.

    Il s'agit d'un nouveau carburant fabriqué à partir de matières premières renouvelables issues de l'industrie alimentaire (graisses animales ou les huiles de friture retraitées à l'hydrogène) et il est commercialisé sur le marché belge dans 3 stations, sous l'étiquette HVO100.

    Petit problème, le HVO100 coûte 2,86 € le litre, contre 1,68 € pour le diesel B7. Mais son fabriquant, Neste, estime que ce prix baissera lorsque l’offre augmentera.


Pourquoi pas ?

    En matière d'énergies nouvelles, on ne le répètera pas assez, il n'y aura jamais une miraculeuse solution unique pour l'énergie, comme le bientôt regretté pétrole, mais une myriades de solutions complémentaires. Sauf en France, bien sûr, le seul et unique pays au monde à tout miser sur le nucléaire

    A propos de nucléaire et/ou de diesel, savez-vous que si la France fait partie des plus importants consommateurs de diesel au monde, c’est parce que l'Etat a soutenu ce carburant depuis plus de cinquante ans ? La montée en puissance du programme nucléaire a conduit les gouvernements successifs à encourager la consommation de ce carburants. En 2017, 80 % du parc automobile tournait au diesel ! (Source INSEE) Vous êtes étonnés ? Lisez la suite.


Le lien peu connu entre le Diesel et le nucléaire.

Quelques explications

    Après-guerre, les utilisateurs de poids lourds et de gazole non-routiers, pour les usages agricoles par exemple, avait demandé de l’aide. Ils étaient les seuls à utiliser des motorisations diesel, pour lesquels il n’existait pas d’alternatives comme aujourd’hui. Le gouvernement avait alors accordé un allègement de taxes.

Source image : Cinémathèque de Montagne

    Le vrai coup d’accélérateur vient de la montée en puissance du programme nucléaire. A partir de la fin des années 1970, le pays construisit ses premiers réacteurs. Dès 1980, la France comptait 14 réacteurs en activité, sur un total de 58 aujourd'hui en service (Source Usine Nouvelle). 

Source image : Connaissance des énergies

    L'aberrant chauffage électrique au rendement si catastrophique s'imposa alors largement, au détriment du fioul et des autres énergies, y compris les renouvelables. Je précise cela parce qu'à la même époque, les pays scandinaves, comme la Suède, la Finlande ou le Danemark, prenaient une orientation différente en diversifiant leurs sources de productions d'énergies, renouvelables bien sûr. (La Suède comporte également une part de nucléaire (40%), mais l'électricité produite ne sert pas à chauffer des maisons avec des grilles pains, comme en France).

Nota : Je donne plus d'explication sur le chauffage électrique dans un des paragraphe de cet article :"Transition énergétique vers la dépendance".

    Mais hélas ! Triste coup du sort ! Les raffineurs français se retrouvèrent bientôt avec des excédents de fioul ! Celui-ci pouvant facilement être converti en gasoil pour les moteurs Diesel. Le gouvernement allégea donc encore les taxes et incita les constructeurs automobiles français à développer des motorisations Diesel. Dans le même temps, les entreprises utilisant des flottes Diesel furent exonérées de TVA sur leurs achats de carburant !

    Le plus désolant dans cette histoire, c'est que les achats de diesel finirent par dépasser la capacité de production des raffineries françaises, qui se retrouvèrent en déficit de diesel et en excès d’essence. En effet, la part de chaque carburant que l’on peut extraire du pétrole est limitée. En moyenne, seulement 40 % d’un baril peut être converti en diesel, pas assez pour couvrir la demande française.

    Résultat, aujourd’hui près de la moitié du diesel consommé chaque année en France (32.8 millions de tonnes en 2019) est importée, tandis que les larges surplus d’essence sont exportés, notamment en Amérique du Nord et en Afrique ! (Source INSEE)

Source : UFIP

Mortel gasoil

Le nucléaire ne tue pas prétendent certains. En tout cas, la combustion du gasoil et du fioul tue bien, elle. Dites merci au nucléaire !

Santé publique France a actualisé l’estimation du poids total de la pollution de l’air ambiant sur la santé de la population française pour la période 2016 à 2019. Elle conclut que la mortalité liée à la pollution de l’air ambiant reste un risque conséquent en France avec 40 000 décès attribuables chaque année aux particules fines (PM2,5).

Le secteur résidentiel et le transport routier sont les deux principaux contributeurs aux émissions de PM2.5 sur le territoire de l’Île-de-France. Ces deux secteurs sont davantage contributeurs aux émissions de PM2.5 que de PM10, les particules les plus fines étant majoritairement issues de la combustion dans ces secteurs (notamment chauffage et carburants routiers).

Les concentrations les plus élevées sont relevées dans le cœur dense de l'agglomération, au voisinage des grands axes routiers parisiens et franciliens. En situation de proximité au trafic routier, les concentrations mesurées sont comprises entre 14 et 16 µg/m3 (en moyenne annuelle).

Une faible différence des teneurs en particules PM2.5 apparaît entre l’agglomération parisienne et la zone rurale. En effet, les concentrations moyennes annuelles de particules fines sont comprises entre 7 et 9 µg/m3 en milieu rural et entre 8 et 13 µg/m3 sur les sites urbains de fond du cœur de l’agglomération.

En 2019, l’objectif de qualité français (10 µg/m3), qui correspond également à une valeur recommandée par l’OMS, est dépassé sur un peu plus de la moitié de la région Île-de-France. Ce dépassement est majoritairement constaté dans la zone sensible francilienne et le long de certaines voies de circulation. Il concerne environ 6,5 millions d’habitants (soit plus d’1 francilien sur 2).

La seconde recommandation OMS (25 µg/m3 à ne pas dépasser plus de 3 jours par an) est dépassée sur la quasi-totalité de la région Île-de-France.

Sources infos : Aiparif et Santé Publique France.

Les plus malins d'entre-vous auront peut-être remarqué que la combustion du fioul de chauffage émet aussi des particules fines. Ce à quoi je leur répondrai que dans le cas du chauffage urbain, lesdites particules sont piégées par des filtres que n'ont pas les installations individuelles. Raison pour laquelle en Suède et dans les pays scandinaves, une majorité de villes sont chauffées par des réseaux urbains de chaleur.


Chauffer une ville avec des graisses animales ?

"Graisses animales" en effet, par ce qu'il s'agit bien de cela lorsque l'on parle de graisses et huiles organiques de récupération. (Voir cette note)

    Cet article à propos de ce gasoil issu de l'industrie alimentaire, m'a rappelé une de mes expériences professionnelles, quand je travaillais sur des grosses centrales de production de chaleur alimentant des réseaux de chauffage urbain.

    L'avantage de ce type de chaufferies, c'est qu'elles peuvent s'adapter aux nouvelles sources d'énergies et que leurs émissions polluantes sont strictement contrôlées par les Préfectures (DRIRES, DRELA, etc). C'est ainsi que j'ai connu dans les années 80, l'arrivée des chaudières à charbon, car à l'époque, selon l'Agence Internationale de l'Energie, le charbon était une énergie d'avenir (Lire cet article). Puis l'arrivée des chaufferies gaz automatisées, suivie par les installations de cogénération au gaz produisant de l'électricité et de la chaleur, et enfin par les chaudières fonctionnant au bois. Au fait, savez-vous que presque toutes les villes de Suède ont un chauffage urbain alimenté par la biomasse ?

    En 2002, sur la chaufferie du réseau de chaleur de Vénissieux, une des chaudières fonctionnant au Fuel Lourd avait été adaptée pour fonctionner avec des graisses et huiles organiques de récupération. Il y avait une grande quantité de ces huiles disponibles sur le marché et lesdites huiles avaient peu ou prou, le même pouvoir combustible que le fuel et la même viscosité. Il suffisait d'adapter les brûleurs. Cette installation avait bien sûr fait l'objet d'une étude d'impact (réalisée par l'APAVE) et ses limites d'émissions polluantes (identiques à celles du fuel) avaient été fixées par les services de la Préfecture.

Chaufferie du réseau de chaleur des Minguettes à Vénissieux

    C'était le fabriquant allemand SAACKE qui avait fourni des nouveaux brûleurs à coupelles rotatives pour les chaudières (qui restaient les mêmes). Ces brûleurs étaient plus performants que les brûleurs classiques à gicleurs. SAACKE s'engageait sur le résultat, le fonctionnement, les rendements, la durée de vie et les émissions gazeuses. A noter que ces brûleurs pouvaient passer sans transition d’un combustible liquide à un combustible gazeux (biénergie).

    Hélas, bien que l'expérience fût probante, elle ne dura pas longtemps. Lesdites huiles et graisses animales furent semble-t-il accaparées par l'industrie des cosmétiques et disparurent du marché de l'énergie !

    L’autorisation préfectorale de brûler ces graisses et huiles organiques fut supprimée après l’accord de brûler du bois à partir de 2005. A noter que la chaufferie bois qui fut construite ensuite, ne fonctionna jamais du fait d'un vice de construction des chaudières fabriquées en Espagne qui ne pouvaient tenir la puissance (20 MW) en respectant les teneurs en émissions. Une nouvelle a dû être reconstruite plus tard. Concernant le bois, je vous conseille de lire mon vieil article "La biomasse sans langue de bois".


Etonnant, non ? 😏

Mais surtout rappelez-vous : "Jamais une énergie miraculeuse ne viendra remplacer le pétrole. La réussite de la transition énergétique sera conditionnée par l'utilisation de multiples sources d'énergie".

Alors pourquoi pas de l'huile de friteuse ? Peut-être une occasion pour les frites belges d'entrer dans le patrimoine mondial de l'humanité ? (Cliques sur l'image ci-dessous 😉 )













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