mardi 31 mars 2020

L'absurde apocalypse et autres considérations



Ne vous méprenez pas sur l'apparente légèreté de mon titre. Je sais que nous vivons bien un drame et qu'il y a des morts. Absurde ne veut pas dire drôle. Ceux qui connaissent le théâtre de l'absurde comprendront de quoi je parle.

Bon, êtes-vous prêts amis lecteurs ? Parce que voici encore un article à l'ancienne, très long, façon Transitio. Nous allons donc partir du Covid-19 pour terminer avec Cicéron !
Etes-vous d'accord avec moi pour que nous commencions par ôter toute connotation religieuse au mot apocalypse ? L'étymologie donnée par Wikipédia nous rappelle le sens premier du mot :
Apocalypse : Mot emprunté au latin apocalypsisrévélation »), lui-même emprunté au grec ancien ἀποκάλυψις, apokálupsis (« action de découvrir »). Provenant du verbe grec καλύπτω, kalúptô (« cacher »), précédé du préfixe de privation ἀπό ápó. Littéralement donc « [chose] dé-cachée », et donc par extension, « [chose] dévoilée aux hommes », « retrait du voile qui cachait la chose », « le voile est levé ».

Retenons donc le sens premier du grec ancien, c’est-à-dire « action de découvrir » et découvrons avec stupeur et consternation les causes de cette crise sanitaire et sociétale.
Découvrir, c'est aussi s'informer...

Je me suis toujours retenu d’écrire dans Transitio des articles qui collaient trop avec l’actualité, car rien de plus démodable que l’actualité. Nous nous en rendons souvent compte lorsqu'il nous arrive de lire de vieux articles écrits « à chaud ». Mais là, franchement, vous comprendrez bien que je ne pouvais attendre que cela passe, tant cette crise sanitaire due à l'épidémie du covid-19, semble l'aboutissement d’une suite de choix irresponsables.
Mais ceux qui me connaissent bien vont retrouver très vite l'esprit Transitio dans la dernière partie, celle où l'on rentre dans le dur !


1/ Où nous découvrons que cette épidémie était prévisible et prévue !
(Cela ne veut pas dire préparée ni préméditée. On se calme les conspis)

Transitio en 2012 et Bill Gates en 2015

2012

En décembre 2012, Transitio vous présentait le gros rapport de 146 pages, intitulé «Alternative Worlds» que venait de publier le très sérieux National Intelligence Council (NIC), c’est-à-dire le centre d’études stratégiques à moyen et long terme des services de renseignements américains. L’objet de ce rapport était d’imaginer les évolutions du monde à l’horizon 2030.
Voici ce que l’on pouvait lire en page 13 de ce rapport, toujours téléchargeable depuis la page de Transitio : Les services de renseignements américains imaginent 2030

Pandémies :
Questions sans réponse
Les scientifiques commencent tout juste à reconnaître la quantité de "d’échanges viraux" qui se produisent dans le monde, en découvrant des agents pathogènes jusqu'alors inconnus chez l'homme qui passent sporadiquement de l'animal à l'homme. Citons par exemple une maladie à prion chez le bétail qui a fait ce saut dans les années 1980 pour provoquer une variante de la maladie de Creutzfeldt-Jacob chez l'homme, un henipavirus de chauve-souris qui, en 1999, est devenu le virus Nipah chez l'homme, et un virus à corona de la chauve-souris qui a fait ce saut vers l'homme en 2002 pour provoquer le SRAS.
La croissance des populations humaines et du bétail et l'empiétement sur les jungles augmentent l'exposition de l'homme à ces croisements auparavant rares. Personne ne peut prédire quel agent pathogène sera le prochain à se propager chez l'homme, ni quand et où une telle évolution se produira, mais l'homme restera vulnérable aux pandémies, dont la plupart auront probablement pour origine des animaux.
Un nouvel agent pathogène respiratoire facilement transmissible qui tue ou rend inapte plus d'un pour cent de ses victimes est l'un des événements les plus perturbateurs possibles. Contrairement à d'autres événements mondiaux perturbateurs, une telle épidémie se traduirait par une pandémie mondiale qui causerait directement des souffrances et des décès dans tous les coins du monde, probablement en moins de six mois.



2015

Le 3 Avril 2015, Bill Gates donnait une conférence dans le cadre des fameux Ted X, dont le sujet était le fait que le monde n’était pas préparé à la prochaine épidémie mondiale, qui succéderait à celle d’Ebola en 2014.
Voici le texte de présentation de son intervention :
En 2014, le monde a évité une terrible épidémie mondiale du virus Ebola grâce à des milliers de travailleurs de la santé désintéressés - plus, honnêtement, grâce à beaucoup chance. Avec du recul, nous savons ce que nous aurions dû faire mieux. Il est donc maintenant temps, suggère Bill Gates, de mettre toutes nos bonnes idées en pratique, de la planification de recherche de vaccins à la formation des agents de santé. Comme il le dit, « il n'y a pas lieu de paniquer... mais nous devons nous y mettre. »

Bill Gates, compare le risque de pandémie à celui de la guerre nucléaire qu’il avait connu dans sa jeunesse et il avertit que si quelque chose extermine plus de 10 millions d’êtres humains à l’avenir, ce ne sera pas une bombe atomique, mais un virus.
Sa démonstration est brillante. Je vous recommande de regarder celle-ci avec les sous-titres en français, dans la vidéo ci-dessous :


On en conclura donc que...

Tous les gens un peu informés, instruits, ou ayant des postes à responsabilités politiques, avaient donc connaissance de ce risque. L’histoire de l’humanité a d’ailleurs été marquée de nombreuses et tragiques décimations, causées par de semblables épidémies. Si l’on remonte à très loin, on sait que nos maladies les plus courantes sont apparues au moment où nous avons commencé d’élever des animaux près de nous, lors de ce que l’on appelle la révolution néolithique.
Et de nos jours, persistent toujours ce que l’on appelle les zoonoses, c’est-à-dire des maladies transmises directement ou indirectement de l'animal à l'homme.


2/ Où nous découvrons les conséquences des choix de nos dirigeants.

Là où je me fais l’avocat du diable

Consciemment ou non, nos dirigeants ont à peu près partout sur la planète, opté pour les mêmes choix de société. J’essaie parfois de me faire l’avocat du Diable, motivé par la volonté de penser contre moi-même, dans l’espoir d’écarter quelques a priori qui pourraient m’empêcher d’y voir plus clair. Dans le même esprit, j’essaie de ne pas porter de jugement. Suivant le conseil donné par Nietzsche dans « Par-delà bien et mal », je m’efforce de ne pas voir dans les côtés négatifs d'un choix une objection contre celui-ci. L’Histoire nous a appris que la vraie question se pose de savoir dans quelle mesure un choix de société sera apte ou pas à améliorer ladite société. Certains choix erronés peuvent ainsi être utiles à notre espèce, qui ne pourrait pas vivre sans se rallier aux fictions de la logique, des modélisations mathématiques et autres illusions réconfortantes. Je tenterai d’expliquer plus clairement cette idée dans un prochain article portant sur l’effet bénéfique des prédictions fausses. Les prédictions destinées à se réaliser n’étant de toute façon jamais crues, ce n’est pas Cassandre qui me dira le contraire…
Pour toutes ces raisons (et quelques autres), je laisse donc ouverte la possibilité d’un choix inconscient. Car nos cerveaux, que nous le voulions ou pas, réagissent hélas tous de la même façon, c’est-à-dire selon certains déterminismes hérités de notre longue évolution de prédateurs. Et puis, comme disait le regretté Michel Rocard :
« Entre le complot et la bêtise, je donne toujours l’avantage à la bêtise qui admettons-le est très répandue, plutôt qu’au complot qui demande de la constance et de l’intelligence, des qualités qui sont beaucoup plus rares ».
Je suggère ainsi qu’il est peut-être concevable d’imaginer que les décideurs de tous ces changements soient sincèrement convaincus des bienfaits qui découleront de ceux-ci à plus ou moins long terme. Je suis vraiment charitable...
Oui, mais voilà, ce n'est pas aussi facile que ça.


Les choix de société de nos dirigeants

Depuis quelques décennies, les services publics, comme les transports, l’éducation, la santé, etc., ont fait l’objet de réformes en profondeur, disons même brutales. Politiquement, ou ne peut attribuer ce choix qu’à la détestation éprouvée par l’idéologie économique libérale dominante à l’égard des services publics. Selon elle, l’état n’a pas vocation à gérer ces services et les sociétés du privé le font beaucoup mieux et pour moins cher. Ayant travaillé plus de 20 ans sur des délégations de services publics gérées par des groupes privés, j’ai pu me forger une opinion assez claire sur cette jolie fable ; Marchés publics truqués, comptes d’exploitations opaques, surfacturations, évasions fiscales et surtout augmentations des coûts facturés pour des services souvent bien dégradés (mais mieux vendus, avec force communication). Tout cela dans le but de pouvoir rétribuer les actionnaires. Si vous voulez, c’est un peu comme le fameux ruissellement, mais à l’envers… Pour info, dans un service public appartenant à l’état, les actionnaires, ce sont les citoyens et que je sache, ces derniers ne sont pas rétribués. Néanmoins, je ne suis pas aveugle non-plus vis-à-vis de certaines dérives qui ont indéniablement eu lieu dans certains services publics d’état…
Ce qui indispose vraiment les libéraux, c’est d’imaginer que de telles quantités d’argent puissent échapper à leur contrôle. C’est la même logique qui les a poussés à interdire aux états d’imprimer leurs monnaies et obliger ceux-ci à passer sous les fourches caudines de leurs agences de cotations pour emprunter aux « meilleurs taux » l’argent nécessaire à leurs politiques nationales. Au passage vous aurez bien compris que si un état veut suivre une autre politique que celle du libéralisme triomphant, il ne pourra pas emprunter sur les marchés financiers pour financer sa politique, ou alors à des taux qui le mettrons à genoux.
Néanmoins l’argument principal asséné depuis des années par leurs experts et autres communicants affidés, était que les services publics coûtaient trop cher. Dans le cas des services de santé par exemple, ces sachants considéraient qu’il y avait trop de lits inoccupés, trop de soignants, trop de stocks de médicaments ou de masques respiratoires, etc. On remarquera au passage que la même logique restructurait dans la douleur l’ensemble du monde du travail.

Cette logique libérale repose sur les 3 règles d’or suivantes :

1/ Surtout pas de stocks mais du « flux tendu », c’est-à-dire un approvisionnement variant selon la demande (assuré par des hordes de camions, bateaux et avions) ;

2/ Surtout pas de personnels « excédentaires », c’est-à-dire plus du tout de ces pénibles privilégiés profitant d’odieux contrats à durée indéterminée, mais des emplois précaires sous-payés que l’on peut facilement renvoyer lorsque la charge diminue, grâce à d’ingénieuses réformes du code du travail ;

3/ Surtout disposer d’experts en ingénierie sociale et de journalistes ou plutôt de communicants, assurant la fabrication du consentement aux réformes, par les populations malmenées.

Bon à savoir :
Apprenez au passage que ce démontage complet de nos institutions s’applique également aux forces armées. Dans un prochain article, je vous parlerai des sociétés militaires privées qui progressivement remplacent nos armées. Je suis certains que la majorité d’entre vous n’en a jamais entendu parler !


Conséquences de ce choix de société

Ce choix de société explique en grande partie le fait que, faute de stocks de masques, de gants, de respirateurs et autres protections sensées venir de Chine « à la demande », faute de lits d’hôpitaux qui en période de paix sanitaire seraient « inutiles » et faute de suffisamment de personnels soignants, la seule solution pour lutter contre la présente épidémie est d’ordonner aux gens sans protections de rester confinés chez eux, et de faire patrouiller les gendarmes pour administrer de sévères amendes à ceux qui n’auraient pas bien compris les ordres, amendes représentant pour beaucoup le 10ème de leur salaire mensuel (plus aujourd’hui, puisqu’elles viennent d’augmenter).

Nous pourrions en rester là ? Prendre acte, et rester enfermés chez nous, tels les prisonniers du panoptique des frères Bentham, avec les boulets électroniques de nos portables qui signalent en permanence nos positions aux autorités, et attendre paisiblement le meilleur des monde promis par ceux qui, pour notre bien commun n’en doutons pas, nous gouvernent aussi habilement ?
Hélas non, car en plus de tout ce désastre, nous devons subir, consternés, sidérés, les gesticulations ridicules et les mensonges éhontés d’une classe politique constituée de mauvais drôles dont les masques tombent les uns après les autres.

Rien n’est plus terrible lorsqu’une tempête se déchaîne, que de constater que le capitaine et ses officiers sont incompétents. Leurs larbins auront fort à faire dans les médias pour nous fabriquer une vérité crédible, comme disent les spin doctors de l’ingénierie sociale. (Sachez au passage que l'ingénierie sociale est un métier d'avenir, faisant l'objet d'un diplôme d'état)

Ce que je redoute le plus à présent, c’est ce qui va arriver après cette crise sanitaire et surtout politique. Je ne crois pas à une prise de conscience généralisée et à l'irruption miraculeuse d'un monde meilleur. Il y aura d'autres crises après celle-ci...

Au fait, avez-vous lu La stratégie du choc, de Naomie Klein ?


3/ Le moment où l'on doit "rentrer dans le dur" avec Transitio

Dans ma première publication, l'article s'arrêtait à la question ci-dessus, mais je me suis dit que je faisais défaut à la mission première de Transitio qui est de tenter de comprendre.


Qu'est-ce qu'une intuition ?

Je ne suis pas suffisamment pourvu de l’indispensable opiniâtreté qui me serait nécessaire pour expliciter dans un imposant ouvrage ce sur quoi se fondent mes intuitions relatives aux courants qui traversent cette fameuse transition que nous vivons. Pour le moment j’espère que quelques-uns parmi vous finiront par deviner, à moins qu’un jour je ne me lance vraiment.

Ne sous-estimons pas nos intuitions. Ceux qui ont étudié le fonctionnement du cerveau ont bien compris que la pensée ne s’écoulait pas linéairement comme un long fleuve tranquille. L’écrivain Joyce l’a compris bien avant les scientifiques et en a donné une saisissante représentation dans son chaotique roman « Ulysse ». La poésie, lorsqu’elle s’affranchit de toutes les barrières, se rapproche également beaucoup du fonctionnement totalement libre de la pensée. La pensée ressemble à un océan tumultueux et profond, parcouru d’animaux étranges, dont la plupart nous sont inconnus. Pour filer cette métaphore abyssale, une intuition ressemblerait à l’un de ses étranges animaux des profondeurs, qui soudain viendrait à la surface, nous gratifier d’un sourire. Une intuition, c’est comme une pensée en construction entraperçue l’espace d’un instant.

Pour ceux que cette tentative de description de la pensée rebuterait, disons que le cerveau traite de nombreux programmes en fond de tâche, comme on dit chez Microsoft, et que ce que nous voyons à l’écran est loin d’être représentatif de tout ce qui se passe dans l’unité centrale.

Comme je l’ai dit plus haut, sous la forme d’une boutade de Michel Rocard, je mets plus souvent sur le compte de la bêtise que sur celui du complot, l’origine de nos grands ratages sociétaux. Lorsque j’ai évoqué le possible côté inconscient de certains choix politiques, peut-être n’avez-vous pas bien compris mon petit laïus et peut-être avez-vous mis cela sur le compte de mon style parfois fantaisiste ou de ma pensée souvent brouillonne. En fait il s’agit d’une intuition et je vous dois quelques explications.


A l'origine de certaines décisions absurdes

En plus de la bêtise humaine et des complots, une cause beaucoup moins connue est à l’origine de certaines de nos décisions absurdes, il s’agit de nos pensées inconscientes. Nombre d’entre-elles, qui naviguent dans les tréfonds de nos esprits, ne sont pas toutes très glorieuses. 
En effet, depuis des millions d’années, nos cerveaux ont emmagasiné pas mal d’outils rudimentaires, du genre bouts de ficelles, grigris et élastiques, pour bricoler des raisonnements souvent bancals, voire faux, mais qui l’ont aidé à évoluer (de là mon allusion Nietzschéenne relative à l’utilité des raisonnements faux). Il n’y a d’ailleurs pas que des pensées, il y a aussi des pulsions très primitives, réfugiées dans la partie d’origine reptilienne de notre cerveau, à savoir le bulbe rachidien et le mésencéphale. Le cerveau reptilien est responsable des instincts et des réflexes innés. N’oublions pas notre cerveau mammalien commun aux mammifères, qui correspond au système limbique, dans lequel siègent nos émotions. Mais ce qui fait de nous des humains, se trouve être le néocortex dans lequel siège notre intellect et qui regroupe les trois-quarts des neurones de notre organisme. Il est arrivé très tardivement au cours de notre longue évolution. J'ajouterai même au vu de nos égarements qu'il doit encore être en période de rodage. 😉


Ce que nous partageons avec les pigeons.

Pour illustrer mon propos, (façon de parler), je ne puis résister au plaisir de vous renvoyer à la lecture d'un article rédigé sur mon blog-notes en 2012. Il s'intitule "Les conséquences de la pensée causale". Ne paniquez pas, il se lit facilement ! Si vous n'avez pas cliqué sur le lien (vous le ferez plus tard, j'en suis sûr), voici ci-dessous un extrait, qui à partir d'un comportement observé sur les pigeons, explique le phénomène comportemental de la superstition chez les humains ! :
B.F.Skinner, le psychologue et psycholinguiste américain plaça des pigeons dans ce que nous appelons maintenant des « boites de Skinner », en ne mettant qu’un pigeon par boite. L’expérimentateur voit à l’intérieur de ces boites, mais l’oiseau perçoit uniquement les messages qu’il choisit de lui transmettre. Skinner plaça donc ses pigeons dans une série de boites, et mis en place son expérience de façon qu’un mécanisme lance dans chaque boite une boulette de nourriture à intervalles réguliers.
Cependant, bien que cela ne soit pas toujours pris en considération, les pigeons ne réagissent pas simplement comme des robots. Ils ont leurs propres réflexes et programmes, et sont continuellement engagés dans une activité : ils marchent, regardent autour d’eux, lissent leurs plumes, etc. Ainsi, l’apparition de la boulette coïncide toujours avec un mouvement que les pigeons sont en train de faire.
Et, au bout d’un certain temps, l’apparition de la boulette aura nécessairement coïncidé plusieurs fois avec un mouvement précis. A partir de là, un étonnant processus d’apprentissage commence. Le mouvement qui s’est trouvé associé avec l’apparition de la nourriture – par exemple, un pas vers la gauche – est dès lors répété plus fréquemment, et la coïncidence devient, elle aussi, plus fréquente. Ainsi, la « prévision » du pigeon selon laquelle il existe une relation entre la nourriture et ce mouvement précis est pour lui de plus en plus confirmée, jusqu’à l’évidence presque absolue que le mouvement, maintenant répété constamment, est nécessairement suivi par l’apparition de nourriture. En effet, si le pigeon ne fait rien d’autre que des pas sur la gauche, chaque boulette représente manifestement une récompense et une confirmation. Le résultat de l’expérience, c’est qu’un grand nombre de pigeons deviennent fous : l’un tourne sans arrêt sur la gauche, l’autre déploie constamment son aile droite, et un troisième tourne continuellement la tête d’un côté puis de l’autre. On conclura de tout ceci que la « prédiction » d’une relation causale se vérifie d’elle-même.
Lire ici cette analyse du travail de Skinner : "Vous avez dit comportementale ?"
Maintenant, dans quelle mesure, nous, êtres humains, sommes victimes de telles « prédictions qui se vérifient d’elles-mêmes », sera le propos des contributions suivantes (voir aussi plus loin l’article de Paul Watlzlawick qui traite de ce problème en particulier). Mais on peut déjà affirmer que les racines de cette forme de superstition sont héréditaires et profondément ancrées en nous.
Il nous est tous déjà arrivé de « toucher du bois » pour écarter le mauvais sort d’une prévision que l’on souhaite vivement voir se réaliser. Certains font même le geste amusant de toucher leur propre tête quand ils n’ont pas de bois à portée de main. Et, puisque, dans la majorité des cas, la chance semble plutôt nous sourire, nous devons bien admettre que ce geste a été efficace.
Ceci nous amène de nouveau très près de la réflexion consciente. Nous avons évoqué précédemment l’avantage qu’avait représenté l’acquis de la conscience dans le processus de l’évolution – à savoir, l’avantage de pouvoir transférer le risque de mort de l’individu à celle de l’hypothèse qu’il fait. Ce passage de la réalité matérielle au domaine de la pensée est sans doute un des plus importants acquis de l’histoire de l’évolution. Mais on ne doit cependant pas oublier les pièges liés à ce progrès. Toutes les erreurs désastreuses qui en ont résulté ont la même origine : une vérification dans le domaine de la pensée est prise pour une vérification réelle et réussie dans le monde concret.
Je suis sûr à présent que vous avez envie de lire l'article en entier, qui se trouve toujours ici : "Les conséquences de la pensée causale"


Des cerveaux empilés par l'évolution

Il faut savoir que tous ces cerveaux empilés, fonctionnent en même temps. Raison pour laquelle nous ne devons pas être dupes de certaines de nos pensées. Je veux dire par là que certaines pulsions que je qualifierais de primaires, comme la peur de manquer de ressources et le désir en découlant d’éliminer des compétiteurs en nombre excédentaires, peuvent se retrouver parées de beaux atours savamment raisonnés pour justifier certains choix.

J'ai découvert cet empilement évolutif en lisant avec le plus grand intérêt les ouvrage de Henri Laborit. Si vous souhaitez en savoir plus, je vous renvoie vers un autre article de mon "Blog-notes" traitant de l'un de ses ouvrages les plus connus : L'éloge de la fuite.

Pour vous donner une idée de la pensée de ce grand scientifique, voici l'une de ces citations que je préfère :
"Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les Hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent, tant qu’on n’aura pas dit que, jusqu’ici, c’est toujours pour DOMINER les autres, il y a peu de chance qu’il y ait quelque chose qui change."

Comprenez bien, que ce n'est ni bien, ni mal, ces concepts de nature religieuses faussent nos perceptions. C'est juste une somme de solutions comportementales, héritée de millions d'années d'évolution. Cela nous a été pour le moins utile, puisque cela nous a évité de disparaître, à l'instar d'autres espèces.

Lisez Henri Laborit, puis d'autre ouvrages de psychologie sur le comportement humain et peut-être serez-vous plus bienveillant vis-à-vis de vos semblables, et de vous-même.
La méfiance, voire la peur des autres, ne sont pas des attitudes mauvaises au sens moral ou religieux du terme. Ce ne sont que des attitudes qui nous ont été utiles pour survivre pendant les âges farouches (comme dirait le regretté Rahan, le fils des âges farouches).
Il est indispensable d'avoir conscience de ce qui nous détermine, si nous voulons avoir un semblant de libre arbitre. Le grand philosophe du 17e siècle Baruch Spinoza expliquait déjà cela dans son "Ethique" :
Ethique, I (p.44)
« Les hommes jugent les choses suivant la disposition de leur cerveau. »

Ethique, III (p.109)
« L’expérience et la raison sont d’accord pour établir que les hommes ne se croient libre qu’à cause qu’ils ont conscience de leurs actions et non pas des causes qui les déterminent. »


Une conséquence de la peur des autres, l'eugénisme

On peut déceler cette peur atavique des autres, dans certains choix politiques souvent étayés par des théories scientifiques. Un des exemples les plus étonnant concerne la théorie de l'eugénisme, qui fut très en vogue avant la seconde guerre mondiale au sein de toutes les élites scientifiques, politiques et artistiques. Comme on dit à présent à propos du climat, il y avait un consensus sur le bienfondé de cette théorie.

Le but avoué des promoteurs de l'eugénisme était de purifier l’humanité en stérilisant ses plus médiocres représentants et en réduisant par la même occasion une population devenant trop nombreuse. Un médecin français, Alexis Carel, honoré d’un prix Nobel, fut un ardent défenseur de cette théorie qu'il exposa en détail dans un bestseller mondial au titre racoleur : "L'homme cet inconnu". Je dis racoleur parce que c'est ce qui me le fit acheter lorsque j'étais jeune. Je vous avoue ne pas avoir pu en terminer la lecture tant il me donna la nausée ! Les victimes de l'eugénisme, vous l'aurez deviné, étaient selon les pays : des personnes de couleur, des malades mentaux, des homosexuels, des criminels, toxicomanes, prostituées, des personnes de classe populaire au QI jugé insuffisant, et chez les Nazis, des Juifs, des Tziganes, des opposants politiques, etc. Voici un petit détail des mesures souhaitées par Alexis Carel :
  • suppression des institutions démocratiques,
  • suppression des avancées médicales pour les femmes en couches, les malades mentaux, les faibles et les pauvres,
  • stérilisation volontaire,
  • méthode de « dressage » des enfants,
  • suppression des éléments du confort moderne pour les pauvres, afin de rétablir le caractère viril et conquérant dont on aurait besoin pour « la conquête par le civilisé des matières premières et des marchés ». Il remarque que les souris affamées sont plus petites, mais intelligences et surtout les plus agressives,
  • colonialisme actif,
  • politique nataliste brutale pour assurer la suprématie de l’occident et de la « race » blanche.
Pour info, Alexis Carel fut un grand ami de Philippe Pétain, l'homme qui déshonora la France pendant la seconde guerre mondiale et de Charles Lindbergh (Grand ami des Nazis et antisémite notoire).

On aurait pu croire que les tenants de cette effrayante théorie se seraient faits discret après la seconde guerre mondiale ? Que nenni !

Lisez plutôt ce texte édifiant que j’ai retrouvé dans les archives de l’UNESCO. Il date de 1946 et son auteur est Julian Huxley, alors directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), mais qui avait été de 1937 à 1944 Vice-Président de la Société Britannique d'Eugénisme.
Ce document s’intitule : « L'UNESCO, sa raison d'être et sa philosophie ». Grâce à Transitio, vous pouvez bien sûr le télécharger en son entier en cliquant sur l’image ci-dessous :


Lisez bien cette traduction de ce que l’on peut trouver en bas de la page 21 :

"même s'il est tout à fait vrai qu'une politique eugénique radicale sera pendant de nombreuses années politiquement et psychologiquement impossible, il sera important pour l'UNESCO de veiller à ce que le problème eugénique soit examiné avec le plus grand soin et que l’esprit du public soit informé des problèmes en jeu de sorte qu’une grande partie de l’impensable puisse au moins devenir pensable. "


Si vous avez des doutes :

Si vous par ouverture d'esprit, vous vous laissez séduire par cette théorie, Dites-vous alors que le grand physicien théoricien et cosmologiste de renommée mondiale Stefen Hawking, né en 1942 à Oxford aurait été éliminé à la naissance du fait de la gravissime maladie génétique qui finit par le tuer en 2018.
Vous pouvez également lire cet article sur le nouvel eugénisme du généticien de renom, Jacques Testard, qui pose d'ailleurs la question suivante à la fin de son texte :
"Plutôt que laisser croire que la sélection des embryons n'a rien à voir avec la castration des adultes, mieux vaut s'interroger sur les angoisses et les désirs qui nourrissent l'une et l'autre. Et aussi sur le risque totalitaire que comporterait la systématisation de pratiques sociales prétendant réaliser de tels fantasmes, même si c'est au nom du progrès et de la compassion."


Nota bene :

Gardez toujours en mémoire que tous ces gens pouvaient et étaient probablement sincères. La peur de la surpopulation était une peur panique chez les élites. Un livre à succès « The population bomb » écrit par le professeur Paul R. Ehrlich de l'Université de Stanford et sa femme, Anne Ehrlich prédisait la famine mondiale dans les années 1970 et 1980 en raison de la surpopulation, ainsi que d'autres bouleversements sociétaux majeurs ! Les gens d’en bas se contentaient de craindre l’holocauste nucléaire, dont parle Bill Bates en introduction de mon article.


Peur de manquer ou peur de partager ?

Cette crainte de manquer de ressources existe depuis la nuit des temps. C’est cette crainte qui a motivé les premiers hominidés à quitter leur vallée natale. C’est cette crainte qui motive les guerres pour s’approprier les ressources des voisins. C’est cette crainte qui pousse certaines cultures dites "primitives", à abandonner leurs vieux ou à tuer leurs bébés. C’est aussi cette crainte qui fut à l’origine des découvertes de nouveaux continents et c’est la même qui nous pousse aujourd’hui à explorer l’espace.

Voilà probablement l’origine de cette avidité maladive qui prévaut aux décisions de nos gouvernants. Gouvernants que nous avons souvent élu pour des raisons qui nous échappent, tels les primates que nous sommes, des raisons qu’eux, ont appris à maîtriser grâce à la fameuse ingénierie sociale.
Leurs conseillers ont en effet appris dans les meilleures écoles, les techniques d’ingénierie sociale les plus subtiles. Les écoles qui préparent au diplôme d’ingénierie sociale affirment avec raison sur leurs sites web qu’il s’agit d’un métier d’avenir. 
La démocratie n’est viable que dans de petites communautés de citoyens. Lorsque ceux-ci deviennent trop nombreux il devient vital de contrôler parfaitement l’opinion publique. Nul besoin de violence, comme dans les ringards régimes totalitaires du passé, une connaissance approfondie de la psychologie humaine est bien plus efficace.

Ne soyons donc pas dupes de ces discours auxquels nous n’accordons du crédit que parce qu’ils sont proférés par des experts auto-proclamés du haut d’une chaire d’université ou plus souvent sous les projecteurs de l’estrade surélevée d’un meeting. Derrière le sourire méprisant et sous le costume bien taillé, il n’y a en fait qu’un homme qui dissimule une peur souvent inconsciente derrière de beaux discours.
Après avoir compris qu’il faut connaitre la nature de leur peur, comme la nôtre d’ailleurs, afin de voir plus clair dans leurs décisions, ne nous contentons pas de faire les malins et de rigoler comme des enfants qui soudain comprendraient la règle d’un jeu compliqué.


Ne rions pas...

Ne rions pas car le danger est réel. A l'époque de la grande mode de l’eugénisme, les pays démocratiques, comme le Canada, les USA, l’Inde, la Suède, la Suisse, le Pérou, qui avaient opté pour la « stérilisation contrainte », avaient choisi une approche dans un cadre médical, modérément violente (tout est relatif). Mais l’Allemagne Nazi avait opté pour une « solution finale » dont tout le monde se souvient avec horreur.

Méfiez-vous toujours de ces gens qui colportent la peur de la surpopulation, par bêtise, sciemment ou inconsciemment. Car en ce point de notre histoire où beaucoup ont compris que l’épuisement des ressources allait poser un problème pour notre modèle de société. Pour le modèle actuel seulement, car il existe d’autres modèles de société qui pourraient faire vivre plus de monde. L’histoire nous rappelle que nous devons être très prudents.

Je ne dis pas que nos politiques ont vraiment l’intention d’éliminer physiquement une partie de la population pour des raisons qu’ils ne manqueraient d'ailleurs pas de justifier par des arguments scientifiques. (Même s'ils ont déjà interdit à certains de travailler, donc de vivre décemment, en mettant en place un système économique qui supprime méthodiquement toutes les tâches ne nécessitant que peu de qualifications).

Ce qui m’inquiète, ce sont les peurs dont ils ne sont pas conscients qui risqueraient de motiver chez eux certains choix qui nous seraient fatals.

Voilà pourquoi je ne rigole pas avec le cynique Christophe Barbier, le sinistre éditorialiste bien connu, quand en réponse à la question relative aux risques de sanctions électorales que les retraités pourraient causer à Macron en 2022, celui-ci répond avec un petit rire que beaucoup de ces retraités ne pourront plus voter du fait qu’ils seront morts.

Mise à jour au 19/01/2021 : La vidéo a disparu, mais en cliquant sur l'image ci-dessous, vous accéderez à la page CheckNews de Libération qui confirme bien les propos cyniques tenus par Christophe Barbier.



Non, ça ne me fait pas rire. De même que je ne ris pas lorsque je lis les notes envoyées aux responsables des EHPAD, concernant le triage des petits vieux malades du virus covid-19, et que je ne ris pas non-plus lorsque quelqu'un de la Croix Rouge me dit avoir reçu pour consigne de ne pas tenter de réanimation sur les petits vieux dans les EPHAD;


Post Scriptum : (Comme si je n’avais pas déjà été assez long !) 😉

Mon avis a beaucoup changé, concernant la possibilité que l’humanité puisse s’améliorer. C’était une question que j’évoquais dès les premières pages de Transitio.

Quand j’étais plus jeune, après avoir lu "Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain" du grand Condorcet, je voulais croire avec lui que l’on pouvait déceler dans l’histoire une lente progression de l’humanité. Celle-ci dépendait de la notion de « perfectibilité indéfinie de l’esprit humain », dont il était persuadé. En fait, je pense, sauf le respect que je dois au grand homme, qu'il confondait le progrès de la civilisation humaine et le progrès de l’esprit humain. Le progrès de la civilisation résulte des effets des découvertes scientifiques et techniques faites par l’esprit humain, certes, mais cela n’implique aucunement une progression de l’esprit humain. De plus, si l’on veut vraiment souscrire à cette idée de perfectibilité, cela sous-entend une manipulation de l’homme par l’homme qui me gêne un peu. Une manipulation qui ne gênerait pas les actuels transhumanistes.

L’âge venant, j’ai commencé à douter très sérieusement de cette perfectibilité. Doute qui s’est trouvé renforcé à la lecture des moralistes de la fin du 17e siècle. La conviction de ces deniers, étant qu’il existe une donnée intangible, la nature humaine, dont l’imperfection intrinsèque fait obstacle à tous les rêves de société parfaite.

Vous observerez d’ailleurs deux tendances remarquables en politique, que l’on résume souvent par réactionnaire ou progressiste, ou Droite et Gauche. Celles-ci défendent des visions du monde assez différentes et bâtissent en conséquence des systèmes politiques très différents.

Pour faire simple, les progressistes, les gens dits de Gauche, bâtissent des systèmes pour des gens tels qu’ils voudraient qu’ils soient, quittes parfois hélas à vouloir en fabriquer de nouveau, en faisant table rase du passé. Les réactionnaires, les gens dits de Droite, bâtissent des systèmes pour les gens tels qu’ils sont, quittes parfois à encourager leurs plus bas instincts.

Lequel des deux côtés choisir ?

Je répondrai en m’inspirant de la réponse donnée par Cicéron dans les Tusculanes à un ami qui lui disait que les idées de Platon étaient dépassées :
« J'aime mieux me tromper avec lui, que de raisonner juste avec d'autres »
" Errare mehercule malo cum Platone... quam cum istis vera sentire "

C'est la réponse d'un humaniste, explicitée par Hannah Arendt dans son livre "La crise de la culture". Vous pouvez en lire le détail en cliquant sur le lien ci-contre : "Qu'est-ce qu'un humaniste"
Merci de tout mon cœur, si vous avez lu jusqu'ici.


Pour info :

Peut-être que dans un prochain article, je vous parlerai des premières ONG, et plus particulièrement de certaines, qu’une certaine Margaret Mead, anthropologue célèbre en son temps, mais aussi une pionnière en ingénierie sociale, avait su constituer au début des années 70, pour défendre une nouvelle idée géniale, à savoir que les émissions anthropiques de gaz carbonique augmentaient massivement en raison de la surpopulation humaine et que cela provoquait un réchauffement global de la Terre. 
Pour mieux prendre la mesure de cette idée nouvelle, il ne faut pas oublier qu'elle est née dans un contexte où la crainte de la surpopulation obsédait les élites.
Mais il faudra patienter un peu, car cela me demande un énorme travail de vérification des sources et de traductions, sachant de plus que l'on s'aventure en terrain miné lorsque l'on tente d'aborder ce sujet.
Mise à jour au 01/02/2022 : J'ai écrit cet article : "Ces catastrophes qui n'ont pas eu lieu"

Je garde également en tête cette étrange mais extraordinairement lucide pensée de Nietzsche, que je vous conseille de méditer :

" Nous ne voyons pas dans la fausseté d'un jugement une objection contre ce jugement ; c'est là, peut-être, que notre nouveau langage paraîtra le plus déroutant. La question est de savoir dans quelle mesure un jugement est apte à promouvoir la vie, à la conserver, à conserver l'espèce, voire à l'améliorer, et nous sommes enclins à poser en principe que les jugements les plus faux sont les plus indispensables à notre espèce, que l'homme ne pourrait pas vivre sans se rallier aux fictions de la logique, sans rapporter la réalité au monde purement imaginaire de l'absolu et de l'identique, sans fausser continuellement le monde en y introduisant le nombre. Car renoncer aux jugements faux serait renoncer à la vie même, équivaudrait à nier la vie. Reconnaître la non-vérité comme la condition de la vie, voilà certes une dangereuse façon de s'opposer au sens des valeurs qui a généralement cours, et une philosophie qui prend ce risque se situe déjà, du même coup, par-delà bien et mal. "

Nietzsche "Par-delà le bien et le mal" (1886), I, 4,



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