mardi 18 décembre 2012

Les services de renseignements américains imaginent 2030

Article mis à jour le 24/01/2022 : Ajout de la "page 94" et liens complémentaires.

Bonne nouvelle, le monde ne s'est pas arrêté le 21 décembre 2012 !




Cette éventualité ne fait pas partie de celles étudiées par le très sérieux 
National Intelligence Council (NIC), le centre d’études stratégiques à moyen et long terme des services de renseignements américains, qui vient de publier un rapport sur le monde en 2030, baptisé «Alternative Worlds».

Cliquez sur cette icône pour le télécharger : 




    Je vous conseille de lire ce rapport avec la plus grande attention. Il ne prétend pas prédire l’avenir, bien sûr. Son but est de donner des aperçus, rendre si possible apparentes des pistes possibles d’évolutions, dégager des scénarios probables.

    D’autres se sont déjà essayés auparavant à cet exercice de style, avec plus ou moins de bonheur, comme la France en 2008 et en 2011. Mais l'administration américaine est coutumière de ce genre d'investigations, voyez par exemple ce PowerPoint de l'armée américaine en 2007.

    Ce travail du NIC présente l’avantage de la nouveauté, ainsi que le caractère "original" de sa source. On peut y constater, entre autres, le caractère fondamentalement pragmatique de la culture américaine.

    Chacun cherchera dans ce gros rapport (146 pages), ce qui le préoccupe plus particulièrement, consciemment ou non.

    J’ai pris la peine de vous traduire quelques extraits choisis, qui je l’espère, vous donneront envie de le découvrir (cela vous fera réviser votre anglais). 😉

    Il commence par cette citation de 1937 du célèbre économiste John Maynard Keynes :
« … l’idée que l’avenir soit différent du présent est si contraire à nos modes usuels de pensées et de comportements, que la plupart d’entre-nous présentent une formidable résistance à en mesurer les conséquences. »


Voici donc quelques extraits, choisis presque au hasard...


Page X, "Les avancées technologiques"

  Des avancées technologiques seront nécessaires, particulièrement pour ce qui concerne la garantie de ressources essentielles vitales telles que la nourriture, l'eau et les besoins d'énergie de la population mondiale. Les technologies-clés d’avant-garde susceptibles d’assurer de telles ressources dans les 15 à 20 prochaines années incluront les semences génétiquement modifiée, l'agriculture sélective, les techniques d'irrigation de l'eau, l'énergie solaire, les biocarburants, et une amélioration de l’extraction du pétrole et du gaz naturel par la fracturation.
Vous remarquerez que le nucléaire ne figure pas dans la liste des énergies qui ont un avenir. Il n’est évoqué qu’une seule fois dans tout le rapport (page 95), au côté des autres énergies fossiles (à propos d’une comparaison avec le coût de l’électricité d’origine solaire).




Page 5 “L’avenir de l'Europe"


    Plus que tous les autres sujets d’études prospectives précédentes, l'Europe fut l’objet de vives discussions. ... Beaucoup d'interlocuteurs européens voient "l’éclatement" comme seul avenir de l'Europe, tandis que quelques hommes d'affaires européens évoquent la probable intégration fiscale et l'accroissement des liens économiques transatlantiques la rattachant à l'économie globale mondiale. À l'extérieur de l'Europe, les participants ont évoqué la possibilité d’un déclin, dont beaucoup d’africains qui craignent que ce déclin de l’Europe, n’implique trop de dépendance envers la Chine ou d'autres pouvoirs émergents.


Page 11 "incidence des médias sociaux", ou comment les medias sociaux accélèrent l’émancipation individuelle.

    
Les femmes musulmanes ont historiquement un retard dans les domaines de l’éducation et de l'intégration dans l'économie de marché. Plus récemment, Elles sont devenues des utilisatrices ferventes et grandes consommatrices de médias sociaux. Bien que quelques données indiquent une relation entre l’accès à l’internet et la radicalisation de femmes Musulmanes, plus d’indicateurs révèlent un accroissement de la responsabilisation et de la solidarité féminine. Des femmes musulmanes utilisent les communautés en ligne pour étendre leurs réseaux sociaux quotidiens dans "des espaces sûrs" afin de pouvoir discuter de questions telles que les droits de la femme, l'égalité des sexes et le rôle de femmes dans la loi Islamique. La participation à des médias sociaux en ligne dépend du revenu, l'alphabétisation et de la disponibilité d’un accès. Du fait que ceux-ci s’étendront d’ici 2030, les femmes Musulmanes vont probablement participer en nombre croissant aux forums en ligne, ce qui aura potentiellement des conséquences sur leurs sociétés et leurs gouvernements.

 

Page 13 "Pandémies, des questions sans réponses"

    Les scientifiques commencent tout juste à reconnaître la quantité de "d’échanges viraux" qui se produisent dans le monde, en découvrant des agents pathogènes jusqu'alors inconnus chez l'homme qui passent sporadiquement de l'animal à l'homme. Citons par exemple une maladie à prion venant du bétail, qui a fait ce saut dans les années 1980 pour provoquer une variante de la maladie de Creutzfeldt-Jacob chez l'homme, un henipavirus de chauve-souris qui, en 1999, est devenu le virus Nipah chez l'homme, et un virus à corona de la chauve-souris qui a fait ce saut vers l'homme en 2002 pour provoquer le SRAS. La croissance des populations humaines et du bétail et l'empiétement sur les jungles augmentent l'exposition de l'homme à ces croisements auparavant rares. Personne ne peut prédire quel agent pathogène sera le prochain à se propager chez l'homme, ni quand et où une telle évolution se produira, mais l'homme restera vulnérable aux pandémies, dont la plupart auront probablement pour origine des animaux.

.....

    Un nouvel agent pathogène respiratoire facilement transmissible qui tue ou rend inapte plus d'un pour cent de ses victimes est l'un des événements les plus perturbateurs possibles. Contrairement à d'autres événements mondiaux perturbateurs, une telle épidémie se traduirait par une pandémie mondiale qui causerait directement des souffrances et des décès dans tous les coins du monde, probablement en moins de six mois.

Mise à jour au 17/03/2023 : Je vous rappelle que ce rapport a été publié en 2012, donc 7 ans avant la pandémie de CORONAVIRUS...


Page 21 « Une carte de la démographie en 2030 avec les âges médians des populations »



Page 49 « Catastrophes naturelles susceptibles de causer des effondrements d’états »


    De catastrophiques récoltes de céréales de base
, des sécheresses particulièrement extrêmes et prolongées, les dégâts d’insectes ravageurs, et des éruptions volcaniques de bas niveau mais de longues durées et fortement sulfureuses. Bien que les apparitions graves d’invasions de parasites classiques (criquets ou sauterelles) soient possibles, les pires épidémies pourraient résulter du développement de monocultures, qui est la forme la plus répandue de l'agriculture moderne. Par exemple la diffusion du champignon de la rouille du blé qui pourrait avoir un effet dévastateur du fait de la moindre biodiversité du blé. L'éruption du volcan "Laki" en Islande de 1783 à 1784 a duré seulement huit mois, mais le nuage de particules qui a été produit par ses émanation sulfureuses a abouti à une chute de température sur tout l’hémisphérique nord de 1.0 à 1.5 degré centigrade, qui a été cause de mauvaises récoltes.

    Des tsunamis dans des zones sensibles, plus spécialement sur les côtes peu élevées de Tokyo ou de la côte atlantique des USA, qui mettraient en grave danger leurs grandes citées. Le plus gros tsunami susceptible de frapper les USA, pourraient avoir comme origine un tremblement de terre dans la zone de Puerto Rico. Le temps de parcours de ce tsunami jusqu’à la côte Est ne serait que d’une heure et demie. La probabilité d’un autre tremblement de terre important à Puerto Rico dans le siècle est de 10%.

    L’érosion et l’appauvrissement des sols. L’agriculture moderne érode les sols de 10 à 20 fois plus rapidement. L’érosion mondiale des sols a causé l’abandon de 430 millions d’hectares de terres arables par les agriculteurs depuis la fin de la seconde guerre mondiale, soit une zone équivalente à la taille de l'Inde. La fin des engrais bon marché résultant d’augmentations du prix du pétrole, rendrait le maintien de la productivité agricole, sans sols sains, de plus en plus coûteux et difficile.

    Des orages magnétiques solaires pourraient mettre hors service des satellites, des réseaux électriques et nombre d’équipements électroniques. La fréquence des tempêtes électromagnétiques solaires est de moins d’un siècle et celles-ci constituent à présent une réelle menace en raison de notre dépendance à l’électricité. Tant que des solutions ne seront pas mises en œuvre, les super-tempêtes solaires constitueront une menace à grande échelle pour les tissus sociaux et économiques mondiaux.
(On constate qu'en cas d'explosion solaire, les Américains ont plus peur d'une chute des marchés financiers, causée par une panne informatique généralisée, que d'un risque de fusion des réacteurs nucléaires dont les pompes de refroidissement seraient privées d'électricité. Ça me rassure...)


Page 56 "Changement climatique"


    Le ralentissement économique mondial rend impossible pour les USA, la Chine et d'autres émetteurs majeurs d’atteindre un accord significatif. Il en résulte une dégradation des négociations sur le climat, menées par l’ONU et des émissions de gaz à effet de serre incontrôlées.
(Le réchauffement climatique n'est pas nié, mais il est hors de question de fragiliser l'économie en mettant en place des mesures contraignant celle-ci)




Page 63 “l’eau”

    L’eau pourrait devenir une source de conflits plus grande que l’énergie ou les minerais d’ici à 2030 autant à l’intérieur des états qu’entre états.
Voir également, page 66 cette carte des ressources mondiales en eau en 2030.



Quelques avertissements, ici et là...

Page 66 : Cyper-terrorisme :

 "Les terroristes pour le moment se focalisent sur les attentats de masse, mais ils pourraient évoluer s’ils prenaient conscience des dégâts que pourraient causer la guerre cybernétique."





Page 87 : “Un autre avertissement à propos des progrès de la cybernétique et de la robotique » :

    "Ces techniques pourraient permettre éventuellement le développement efficace et utile de nouvelles technologies urbaines, ou alors créer des cauchemars urbains, si celles-ci n’étaient pas développées intelligemment."





Page 94 : Biocarburants...

    "Pour éviter tout conflit avec la production vivrière, les chercheurs développent des technologies qui utilisent comme matières premières de la biomasse non alimentaires. Bien que les coûts de fabrication soient plus élevés que la production d'éthanol à partir de maïs, certaines usines d'éthanol cellulosique à grande échelle sont sur la bonne voie pour démarrer leurs activités dans les prochaines années. Le Biodiésel, qui est actuellement dérivé d'huiles végétales alimentaires, d'huiles de cuisson usagées et de graisses animales, a connu une augmentation rapide de sa croissance dans le monde, notamment en Europe. La recherche sur les technologies basées sur les algues suggère que de telles les technologies offrent des avantages attrayants, notamment en termes de productivité ; l'utilisation fructueuse de terres non arables ; l'utilisation de diverses sources d'eau (douce, salée et les eaux usées) ; et le recyclage du dioxyde de carbone et autres déchets."

Nota : Concernant les algues, voyez cet article de 2008 publié sur Transitio en février 2011 :"Des algues pour absorber le CO2". Voyez également cet article de mars 2020 :"Du charbon, des algues et des digressions".


Et voici, page 95, le seul endroit où le nucléaire est évoqué en tant qu'énergie, dans le cas de la production d’électricité.

    "Il est difficile de savoir, si des usines produisant de l’électricité avec du solaire photovoltaïque ou du solaire thermodynamique seront économiquement compétitives avec celles utilisant d'autre sources d’énergies comme le charbon, le gaz naturel, le nucléaire, ou le vent." (En haut à droite)

Nota : Dans tout le rapport, le nucléaire n'est évoqué qu'au titre de l'armement. Il n'y a plus que la France semble-t-il, où cette fatale énergie soit encore considérée comme une énergie d'avenir. Lisez cet article à propos du non-avenir du nucléaire : "Le nucléaire n'a pas d'avenir, la preuve par 2 chiffres."



En page 101, vous pourrez découvrir cet histogramme représentant la répartition des pouvoirs, en 2030.


    Pas un mot dans tout ça, évidemment, sur l'implacable modèle économique néolibéral que les USA imposent à l'économie mondiale.

    Peut-être que les rédacteurs de ce rapport devraient lire ou relire les travaux de Keynes, qu'ils citent malgré tout en introduction....



Mise à jour au 25/10/2013 :
    Je vous conseille de lire cette excellente analyse de mars 2013 du journaliste indépendant Matthieu Auzanneau, sur son blog "Oil man" : L'avenir des gaz de schistes et le sens de l'histoire.

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