dimanche 5 février 2012

Bristol peak oil report

Article mis à jour le 11/06/2023 :
Bien sûr, l'article rapporté ci-dessous a disparu. J'ai donc eu une bonne idée de le sauvegarder en 2012, de même que le fameux rapport qui lui aussi a disparu du site de la ville de Bristol. Et dire que tout le monde ne parlait que de ce rapport dans les milieux écolos bien informés à cette époque !

COMMENT NOS AMIS ANGLAIS SE PRÉPARENT À LA FIN DU PÉTROLE (EUX)



    
Cet article passionnant m'a a été signalé par e-mail par son auteur Thierry Caminel. Je le reproduis dans son intégralité. Il explique comment la ville de Bristol se prépare à gérer les conséquences de la fin du pétrole.

    Nous sommes à des années lumières de ce que l’on peut lire sur le sujet dans notre beau pays (il est vrai que nous avons l’EPR qui peut-être fonctionnera un jour...).

    Je vous conseille donc la lecture attentive de l’article ci-dessous et je recommande à ceux qui maitrisent la langue de Shakespeare de télécharger ce fameux document officiel rédigé pour la ville de Bristol.

    Mais comme les "précieux" documents disparaissent souvent où changent d'adresses, Transitio le sauvegarde pour vous :


Cliquez sur l'icône "pdf"



Le « Bristol Peak Oil Report »

Article toujours présent en 2023 sur le site de Thierry Caminel :

Saviez-vous qu’on anticipe des émeutes de la faim, en ce début du 21 ° siècle, dans la 6e économie mondiale, et que des villes importantes estiment que les crises énergétiques à venir auront des conséquences locales majeures, et s’y préparent ?

Cette note présente le « Bristol Peal Oil Report » [1], un document officiel d’une ville anglaise de 430.000 habitants publié récemment. Après une exposition du contexte de ce rapport, son contenu est présenté sommairement, et l’on essaie ensuite de montrer les profondes différences d’appréciation de la situation énergétique mondiale entre le France et l’Angleterre.

Contexte Anciens exportateurs d’hydrocarbures, les Britanniques voient leurs champs de pétrole et de gaz de la mer du Nord décliner depuis 10 ans. L’information concernant l’état des réserves de pétroles mondiales est largement relayée par la presse, alimentant le débat public, renforçant la lutte contre le réchauffement climatique.

Au plus haut niveau sont écrits des rapports sur le ‘peak oil’ et ces possibles conséquences économiques et sociales [2]. Les Anglais investissent par ailleurs massivement dans des sources d’énergie non fossile (éolien offshore, nucléaire,...), dans les transports collectifs et vélos, etc. Ils ont introduit une taxe carbone, et prennent en compte le carbone contenu dans la commande publique.

Au niveau local se met en place un réseau de ‘villes en transition’ [3], regroupant plus d’un millier de villes, quartier ou district, destinés à renforcer la résilience de ces communautés, c’est-à-dire leur capacité à résister à un choc externe. Certaines sont de véritables laboratoires, expérimentant des monnaies complémentaires, des cartes de rationnement ou de nouvelles techniques agricoles.

Bristol s’inscrit dans ce mouvement de ville en transition. La taille de la ville, son importance économique et la qualité de son rapport en font un bon exemple de ce qui se passe outre-Manche et du niveau de prise de conscience des problématiques énergétiques.

« Peak oil Report - Building a positive future for Bristol after Peak Oil » Ce rapport de 100 pages, publié il y a quelques mois par le conseil municipal de Bristol, commence par expliquer en quoi le pétrole est important, et les raisons qui font qu’il va devenir de plus en plus rare et cher. Il cite les études de l’Agence Internationale de l’Énergie [4], des agences nationales, de Total, Shell ou Aramco, explique qu’il n’y pas d’alternative au pétrole disponible suffisamment rapidement, et rappelle le lien avec le réchauffement climatique. Le rapport synthétise ensuite les vulnérabilités de Bristol au Peak Oil, telles que la hausse du prix des transports et de l’alimentation, les risques de ruptures en alimentation ou en médicaments, le ralentissement économique lié au renchérissement des matières premières et des transports, l’impact sur les services publics dépendant du pétrole (police, collecte des ordures, ...) ou de son prix (chauffage des bâtiments, coûts des réparations,..), etc... Le chapitre suivant étudie les possibles conséquences sociales, citant les exemples de paniques intervenus lors de précédentes ruptures d’approvisionnement, l’augmentation des inégalités, l’impact sur l’emploi (rappelant que chaque choc pétrolier a été suivi d’une augmentation du chômage), le resserrement du crédit (credit crunch). Il cite le modèle de Ayres, qui lie l’évolution du PIB au prix de l’énergie [5]. Le chapitre conclut par la nécessité d’augmenter la résilience de la ville au Peak Oil.

Le rapport traite ensuite des transports, notamment l’accès aux magasins et aux lieux de travail, l’efficacité énergétique des moyens de transport, l’importance des vélos, la très grande vulnérabilité du transport aérien. Suit une liste de propositions ambitieuses, mais globalement classiques.

Le chapitre suivant, concernant l’alimentation, rappelle l’importance du pétrole pour produire la nourriture (engrais, mécanisation, transport, stockage réfrigéré ...) et les risques importants de crise alimentaire. Il propose des actions telles que relocaliser les productions alimentaires, produire de la nourriture dans la ville, former les citoyens à produire et stocker les aliments, former les agriculteurs à des types de production moins dépendante du pétrole...

La vulnérabilité du système de santé à des coupures d’approvisionnement est ensuite analysée, ainsi que l’impact du prix de l’énergie. Sont proposées entre autres une relocalisation des soins, une adaptation des pratiques médicales, l’information des citoyens.
Le chapitre suivant traite des services publics (police et pompiers ont besoin de pétrole, il en faut aussi pour le bitume ...), l’impact de l’inflation et du prix du pétrole sur les ressources publiques, l’action sociale, le nombre de crimes et délits, ... . Bristol prévoit d’augmenter les surfaces maraichères, réduire l’énergie nécessaire à collecter et traiter les ordures, préparer des procédures et des lieux d’accueils d’urgences (par exemple en cas de crash économique), constituer un stock de pétrole municipal,...

L’économie est le thème suivant, dans lequel les vulnérabilités de chaque secteur sont analysées, pour cause de pétrole cher, difficulté de transport et d’approvisionnement, resserrement du crédit, volatilité des prix, .... Parmi les actions proposées, notons l’introduction d’une monnaie locale, la relocalisation des approvisionnements, l’amélioration des transports publics.

Le dernier chapitre est consacré à la production et aux consommations d’énergie, par exemple l’énergie nécessaire à pomper et purifier l’eau potable. Parmi les actions, favoriser la sobriété énergétique et en eau, micro-génération à partir de biomasse, méthanisation des déchets, ...

La 3e partie synthétise une centaine d’actions possibles pour minimiser les vulnérabilités de Bristol au peak oil, et les indicateurs pour suivre ces actions. Cette partie est pour l’essentiel traduite à la fin de cette note.

Le rapport est précédé d’un résumé pour décideur, et suivi d’annexes pédagogiques expliquant les problématiques énergétiques (Peak Oil, énergies alternatives, ressources nationales) et présentant ce qui se fait ailleurs (notamment à Portland, USA).

‘Résilience’ versus ‘Développement Durable’ Ce rapport illustre la différence de niveau de conscience de la réalité du pic de production du pétrole entre Britanniques et Français. En France par exemple les scénarii de politique publique (transports, aménagement urbain ou territorial ...) ne prend pas en compte explicitement l’hypothèse d’une hausse rapide du prix de l’énergie, pas plus que les plans climats territoriaux ne s’intéressent aux conséquences locales de la réduction des stocks d’hydrocarbures, qui est pourtant la contrepartie de l’augmentation du CO2 atmosphérique.

‘Résilience’ d’un côté de la Manche, ‘développement durable’ de l’autre côté : tandis que les Anglais estiment que les alternatives au pétrole sont loin d’être prêtes industriellement et se préparent à une ‘descente énergétique’ subie, nous mettons beaucoup d’espoirs dans des révolutions technologiques à venir pour maintenir la croissance. Alors que nous planifions pour réduire vertueusement nos émissions de gaz à effet de serre, ils planifient pour assurer leur sécurité alimentaire et la survie du système social.

Les Britanniques et les villes en transition nous montrent qu’une démocratie peut se préparer à des changements profonds et des risques majeurs, en expliquant sans démagogie les contraintes aux citoyens, et en les impliquant pour maintenir l’essentiel. Espérons que ce réalisme anglo-saxon inspirera les politiques de nos villes et l’action citoyenne dans les prochaines années.


Thierry Caminel Ingénieur

(Ce document peut être redistribué et utilisé sans restriction)

Références :


[2] par exemple :
(en) “UK Res Global Oil Depletion Report” : http://www.ukerc.ac.uk/support/Global%20Oil%20Depletion (Article disparu)
(en) “UK Industry Task-Force on Peak Oil and Energy Security Report : - http://peakoiltaskforce.net/ (site disparu)
(audio) Chronique de J.M Jancovici : 


[3]
(en) https://www.transitiontowns.org/ (Site toujours présent en 2023)
(fr) https://villesentransition.net/ (Site toujours présent en 2023)

 Sur l’approvisionnement en nourriture de Bristol :



[5] (en) “Economic Growth and cheap oil” - http://www.cge.uevora.pt/aspo2005/abscom/ASPO2005_Ayres.pdf (article disparu, mais PowerPoint retrouvé)

 

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