mardi 24 décembre 2013

L’athéisme comme indicateur de bien être ? Ou pourquoi l’Obamacare pourrait produire plus d'athées (Via Mother Jones)

Voilà bien un titre provocateur ! 😉


    Le retour des religions est "malheureusement" un sujet à la mode ces derniers temps. Et comme toujours avec ce sujet, il convient d'être prudent si l’on souhaite formuler une opinion. J'ai déjà essayé d'aborder ce thème avec précautions dans l'un de mes articles ("Nous croyons aux lutins célestes"), mais si vous voulez lire un livre vraiment intelligent et tolérant sur les religions, je vous conseille l'ouvrage de Pascal Boyer :"L'homme créa les dieux".


    Vous vous doutez bien que parler de l'athéisme est également quelque peu "délicat". Fort heureusement, l’athéisme est encore autorisé en France. Mais il faut savoir qu'il est interdit dans de nombreux pays, voire puni de mort dans certains, et qu'il ne fait pas bon de se dire athée dans le pays qui prétend être celui de toutes les libertés, à savoir, les Etats-Unis...

    C’est pourtant sur un site américain que j’ai trouvé pour vous cet article étonnant faisant le lien entre protection sociale et athéisme, le fameux site "Mother Jones". Cet article s’intitule : « Pourquoi l’Obamacare pourrait produire plus d'athées ».

    Vous pourrez lire après cette introduction, ma traduction en Français de cet article passionnant.

    Ne vous méprenez pas sur mon intention. Je ne prétends pas que tout le monde doit devenir athée, ce serait aussi stupide que de vouloir que tout le monde soit croyant ! On n'empêchera jamais quelqu'un de devenir croyant ou pas. Sa décision ne faisant que résulter de certaines conditions qui lui échappent en grande partie (Lisez plus loin).


Pourquoi cet article a-t-il retenu mon attention ?
  • D’une part, parce que je n’ai pu m’empêcher de faire des rapprochements entre le débat qui vient d’avoir lieu outre-Atlantique autour de la création de la protection de santé désignée sous le nom d’Obamacare, et la destruction progressive de notre propre système de santé sous les coups de boutoirs d’une politique libérale inspirée d’une certaine doctrine américaine (la privatisation à outrance des services publics).
  • D’autre part, parce que cela m’a donné à penser sur ce fameux retour des religions dans notre (ex ?) beau-pays, la France. Le fait que de plus en plus de gens, éprouvés par les vicissitudes de la vie, se tournent en désespoir de cause vers les vieilles chimères des religions, me pose en effet question depuis longtemps. Je suis sincèrement triste de voir de nouveau tant de mains se joindre pour prier plutôt que de se rejoindre pour s’entraider et lutter.

    Mais attention, Transitio ne veut ni hurler avec les loups en attaquant les croyants, ni bêler avec les moutons en défendant les religions. Le but de Transitio (donc le mien), c’est d’essayer de comprendre. Ne pas juger, mais comprendre.


    Chacun d'entre nous à ses propres grilles de décodage pour tenter de comprendre le monde. Parmi les miennes, il y en a deux que j’affectionne, la psychologie sociale et le Darwinisme. Pour résumer, je pense que le travail de la psychologie sociale, c’est d’identifier et d’étudier tous les comportements dont nous avons hérité au cours de notre si longue (et pas terminée j’espère) évolution.


Ni bien, ni mal...

    Confrontés à certaines situations, nous réagissons selon des aptitudes engrammées dans notre cerveau depuis la nuit des temps. Ce n’est ni bien ni mal, il n'y a pas vraiment de jugement de valeur à porter. Pour reprendre ces deux notions de "bien" et de "mal", qui ont fait le bonheur des religions, nous pourrions dire que ce qui est mal, c'est ce qui nuit à l'espèce et plus ou moins directement à nous-même ; et que le "bien", c'est ce qui est utile à l'espèce et plus ou moins directement à nous-même. Ensuite, il n'y a que notre capacité de réflexion qui peut nous démontrer qu'un acte est "mauvais" ou "bénéfique". Le seul moyen de ne pas devenir esclave de ce pesant déterminisme inscrit quelque part dans nos gènes, c’est de le connaitre et de l’étudier...


    Mais comme d’habitude, mon introduction est trop longue. Lisez plutôt cette traduction de l’article de Mother Jones et n’hésitez pas à visiter souvent ce site. Il donne une vision plus positive des Américains.




Et d'autres conclusions psychologiques surprenantes à propos des raisons pour lesquelles certaines personnes (mais pas d'autres) rejettent la religion.

Par Chris Mooney 20 décembre 2013

    Les Américains n'aiment pas beaucoup les athées. C'est quelque chose dont nous nous souvenons chaque mois de Décembre, lorsque les commentateurs de Fox News dénoncent une laïque " guerre sur Noël . " Mais cette méfiance perdure au-delà des saisons : à peine la moitié des Américains disent qu'ils voteraient pour un athée à la présidence ; 48 pour cent, désapprouveraient que leur enfant en épouse un. Pourtant, l’athéisme est en pleine croissance en Amérique : Un cinquième de la population a désormais rejoint le rang de ceux que l’on désigne « sans aucune », affiliation à une religion.

    Mais alors comment se construit un athée ? Ou tout un pays d’athées, comme la République tchèque, où 78 pour cent des gens se décrivent, soit comme pas religieux, soit purement et simplement comme des incroyants convaincus ?


    
Dans la dernière décennie, un nombre croissant de recherches en psychologie ont été initiées pour tenter de répondre à cette question. Sans surprise, la psychologie de la religion et la psychologie de l'athéisme sont étroitement liées ; dans l'ensemble, ces études tendent à montrer que pour la plupart des gens, la religion semble naturelle. « Il semble que la religiosité, ou les croyances religieuses, soient encouragés par un certain nombre d'intuitions de base que nous avons sur le monde et qui semblent être intégrées dans notre cerveau », explique Ara Norenzayan , un pionnier de la recherche sur la psychologie de la religion à l'Université de Colombie-Britannique, dans le dernier épisode de son podcast curiosité d'esprit de podcast .

    Mais il y a de grandes exceptions à cette constatation : Selon une estimation, près d’un demi-milliard de personnes dans le monde, rejettent Dieu. Qui sont-ils ? Voici trois éléments importants, établis sur la base des recherches de Norenzayan, qui tendent à produire un état ​​d'esprit laïc :


Moins de "mentalisation".

(NDT, Mentalisation = Capacité de comprendre les états mentaux qui sous-tendent les comportements des autres (empathie)).
L'une des découvertes scientifiques les plus surprenants de la recherche sur les causes de la religiosité (ou de son absence) implique une aptitude appelée « mentalisation ». « C'est l'idée que nous avons une capacité cognitive sociale de base nous permettant de déduire et lire dans les pensées d'autres personnes », explique Norenzayan.

    Sur le plan social, la mentalisation vous aide à vous connecter et entrer en relations avec les autres, la surprise est qu'elle prédispose aussi à la religiosité. Les croyants de par le monde ont le sentiment d’avoir une relation personnelle à un dieu dont ils pensent qu’il peut les comprendre, presque comme si ce Dieu était un ami ou un voisin. "Quand les gens entrent dans une relation avec un agent surnaturel, ils ne font essentiellement que laisser libre cours à leur tendance à la mentalisation », explique Norenzayan.

Alors que pour les athées ? Les recherches de Norenzayan suggèrent que ceux-ci tendent vers moins de mentalisation, ce qui rend les croyances religieuses moins intuitives pour eux. En quelque sorte, explique Norenzayan "Les mêmes mécanismes qui encouragent la croyance religieuse, diminuent ladite croyance, s’ils sont atténués ».


Le mode de pensée analytique.

Outre la "mentalisation", un certain nombre d'autres traits cognitifs de base ont également été identifiés comme favorisant la religiosité. L’un des plus importants est l’aptitude à penser de façon intuitive, par opposition à l’esprit d’analyse, un style contemplatif qui favorise l’introspection, l’effort de penser. Ainsi, dans un article très discuté de la revue Science, l’an dernier, Norenzayan et un collègue ont constaté que les gens qui étaient les plus naturellement disposés à douter de leurs intuitions de bases (dont beaucoup favorisent la religion), étaient plus susceptibles d'être athées. " Vous pouvez être sujet à ces intuitions, à part entière », explique Norenzayan, « mais si vous les analysez, ou si vous les bloquez, alors vous serez moins sujet à des croyances religieuses."

Dans une étonnante expérience relatée dans un article, des chercheurs ont même pu produire une baisse temporaire de la religiosité des sujets au cours d’une expérience, tout simplement en leur montrant une image. Mais pas n'importe quelle image, celle de la statue du célèbre Penseur du sculpteur français Auguste Rodin, une représentation symbolique du travail cognitif. L’image « contrôle » de l'expérience était une autre sculpture : Celle du sculpteur grec Myron, le Discobole, une représentation classique d'un athlète sur le point de lancer un disque.

Pour être clair, il n'y avait pas de contenu religieux dans cette expérience. Les gens ont tout simplement été présentés à l'une des deux sculptures et puis plus tard, ils ont été interrogés sur leurs opinions religieuses. Et pourtant, la pose de la sculpture a eu un impact évident. « La confrontation à l’attitude du penseur réduit la croyance religieuse », dit Norenzayan. C'est probablement un raccourci pour amener les gens dans état non-intuitif, un état d’esprit ​​analytique, de réflexion, qui est un terrain favorable pour les athées. Ceux-ci aiment vraiment penser.

Cette statue vous rendra moins religieuxDaniel Stockman / Wikimedia Commons

Des conditions de vie sécurisées (NDT : "Existencial security" dans le texte).

    Outre ces facteurs cognitifs, Norenzayan pense qu’un large éventail d'influences sociales et culturelles contribue également à déterminer non seulement en quel dieu ou dieux vous pourriez croire ou rejeter dans une société donnée, mais aussi combien une société d’athée peut être tolérante. Il détaille un grand nombre de celles-ci dans son nouveau livre, Big Gods: Comment la religion a transformé la coopération et les conflits, qui commence avec l'exemple du Danemark, un pays dans lequel la société qui est à la fois très irréligieuse et pourtant aussi très éthique. "C'est l'une des sociétés les plus coopérative sur Terre », dit Norenzayan, "et ils le font complètement sans religion."

    Cela ne concerne pas seulement le Danemark. Il y a un certain nombre de sociétés non religieuses dans le monde, y compris de nombreux pays asiatiques comme le Japon, la Corée du Sud, et la Chine, ainsi que la plupart des pays européens. Alors, qu’est-ce qui les différencie ? "La façon dont je décrirais cela, c’est que ces sociétés ont grimpé tous les échelons de la religion puis l’ont rejetée au loin," dit Norenzayan.

    A de nombreuses reprises, les recherches de Norenzayan montrent que les sociétés dont les conditions de vie sont sécurisées, c’est-à-dire des sociétés où les gens bénéficient d’accès aux soins de santé et d’un solide filet de sécurité sociale, où il existe une forte garantie des droits, mais aussi où ils ne sont pas confrontés à des maladies mortelles ou les catastrophes naturelles, que ces sociétés tendent vers moins de religion et nourrissent aussi une plus grande tolérance vis-à-vis de l'athéisme. La mise en évidence la plus forte de cette constatation est peut-être cette étude étonnante qui montre qu’un tremblement de terre en Nouvelle-Zélande a été reconnu comme étant la cause d’un accroissement de la croyance religieuse de ceux qui ont été directement touchés par celui-ci, mais que le reste de la société est devenu de plus en plus laïque.

    Une menace vitale, sous la forme d'un tremblement de terre, suscite plus de religiosité ; des conditions d’existences stables se traduisant par une garantie des droits, des systèmes de soins de santé universels, et le bien-être, conduisent à l'opposé. Et cela contribue, indique Norenzayan, à expliquer les faibles niveaux de religiosité en Europe, comme à expliquer aussi pourquoi les États-Unis sont un cas parmi les pays développés en matière de religion. « Par rapport à d'autres démocraties avancées, il y a une plus grande insécurité des conditions de vie aux États-Unis », dit Norenzayan. Nous n'avons pas eu la sécurité sanitaire (jusqu'à récemment, en tout cas), et nous avons un grand écart entre les riches et les pauvres par rapport à beaucoup d'autres pays industrialisés.
Figure montrant la relation entre l'intolérance politique vis-à-vis des athées et la stabilité gouvernementale (« règle de droit ») dans les pays. Ara Norenzayan


    Ce que suggère ce courant de pensée, c’est que le changement majeur de la politique américaine comme l’Obamacare pourrait, à long terme, produire plus d’athéisme en offrant plus de sécurité à la vie des gens. Quand la vie est bonne, stable et exempte de menaces, il semble en effet que vous n'ayez plus vraiment besoin d’une religion qui vous donne l’espoir d’un avenir meilleur dans l'au-delà. Car vous avez déjà cet espoir-pour cette vie.

    Les implications pour les athées ? Ils sont connus pour aimer débattre et argumenter, mais peut-être devraient-ils moins se préoccuper de convaincre les gens que Dieu n'existe pas, et plutôt améliorer la vie des gens autour d'eux. "Des filets de sécurité solides seront à long termes beaucoup plus efficaces et conduiront à la diminution de la religion » dit Norenzayan. Des athées libertaires comme Penn Jilette peuvent ne pas aimer cette conclusion, mais la preuve suggère que si les athées veulent offrir un cadeau contre la religion ce Noël, ils doivent penser à la façon dont ils vont voter.



Vous pouvez écouter le podcast complet avec Ara Norenzayan, sur le site de Mother Jones.



Conclusion de Transitio...


    La fin de l'article de Mother Jones fait référence à l'Obamacare, un sujet d'actualité aux Etats-Unis. Mais avouez que l'ensemble donne matière à penser sur l'état de notre propre société...

    Regardez les pays où la religion est de prime importance et constatez le niveau de bienêtre de leurs habitants. Ne regardez pas seulement ceux dont on vous parle tout le temps, la somme de leurs misères est suffisamment probante...

    Pensez à la Grèce, par exemple, ce pays sacrifié sur l'autel du libéralisme, pensez à son peuple dans la misère et à ses églises omniprésentes qui ne paient pas d'impôts.

    N'oublions pas non plus ce malheureux pays, si croyant, accablé d'une dette monstrueuse, ou 25% de la population vit de tickets alimentaires, les Etats-Unis !
Hélas !

    Je ne dois pas oublier de vous dire, pour conclure, que la religion que je considère comme probablement la pire de toutes, c'est celle de l'argent, le culte du veau d'or...



    Et comme cet article est publié un 24 décembre, même si la date est passée de quelques jours, je n'oublie pas de vous souhaiter un...



    Joyeux solstice d'hiver ! Retrouvez-vous en familles dans vos foyers, gardez une place à table pour l'étranger qui pourrait venir. Les jours commencent à rallonger. Bientôt le printemps viendra !


Bertrand Tièche


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